Impressions d’un délégué francophone : « Je suis heureux de vivre ma foi dans une telle Église »

Le surintendant Étienne Rudolph qui a représenté la Conférence annuelle Suisse/France/Afrique du Nord à la Conférence Générale 2016 nous livre ses impressions.

« Après un vol de 10 heures, me voilà arrivé à Portland, Oregon ! Dès l’aéroport, une équipe de volontaires Méthodistes était mobilisée pour accueillir et orienter les délégués avec le sourire.

Première impression dans la ville de Portland : des immenses affiches parlant de l’Eglise Méthodiste Unie, des trams aux couleurs de l’Eglise Méthodiste Unie !

Nous nous sommes retrouvés à près de 900 délégués pour vivre 2 semaines intenses. Il y avait autant de personnes volontaires pour aider à toutes sortes de tâches pour que la Conférence Générale puisse se dérouler dans de bonnes conditions. Il y avait également des visiteurs qui pouvaient être plus nombreux que les délégués certains jours ! Il y avait aussi des exposants. Autour de 3000 à 3500 personnes gravitaient donc dans le Centre de Convention et autour de la Conférence Générale.

Avalanche de pétitions et de rapports

Aux rapports, pétitions et motions reçus avant la session de la Conférence générale, se sont rajoutés chaque jour les rapports de ce qui avait été décidé la veille et le contenu du jour. Ce qui fait que chaque délégué avait à la fin de la Conférence Générale 2960 pages de documents officiels ! Heureusement que cette année, nous avions reçu des tablettes individuelles où il était possible de télécharger les 1 600 pages des documents reçus il y a quelques mois. Puis chaque jour, il était encore possible de télécharger une partie des documents du jour. Mais nous avons quand même tout reçu en version papier !

Cultes et prédications incisifs

Chaque jour était ponctué, matin et soir, par un culte festif avec une variété impressionnante de chants en toutes langues et différents styles de musique.

Lors des cultes du matin, un des évêques, à tour de rôle, était chargé de la prédication, toujours forte, incisive et interpellant dans le contenu.

Deux exemples : - tout d’abord avec une citation de l’Evêque Abrahams, réflexion qui convient aussi pour notre Conférence annuelle, ainsi que pour nos Églises locales et pour chacun personnellement ! « Nous utilisons l’Évangile comme si nous n’avions pas d’argent et nous utilisons l’argent comme si nous ne connaissions pas l’Évangile ! »

Le second exemple est celui de l’Evêque Sally Dick qui prêché sur le texte de Mt 9.13 lorsque Jésus dit « Allez apprendre ce que signifie la miséricorde. » Elle a souligné combien en tant qu’Église cette parole d’abord adressée aux pharisiens nous est finalement aussi adressée : « Comment une Église peut-elle exercer la miséricorde si elle exclut des personnes ? »

Je vous laisse méditer là-dessus, comme j’ai eu l’occasion de le faire.

Enjeu des procédures et des règles

Je reviens sur d’autres aspects de la Conférence Générale.

La première semaine, nous étions répartis en 11 comités législatifs qui traitaient les questions et les demandes par thèmes. Les questions pouvaient concerner des thèmes liés au ministère pastoral, à la mission, aux jeunes, à la santé, à l’éthique, la justice sociale, à l’environnement…

La deuxième semaine était destinée aux séances plénières. L’ensemble des délégués se retrouvait pour décider d’adopter ou rejeter les propositions reçues et travaillées la première semaine par les comités. Ces séances étaient présidées par des évêques à tour de rôle pendant des périodes de 2 heures environ.

Pour le non-américain que j’étais, il m’a fallu tout d’abord saisir le fonctionnement des règles.

Une remarque importante sur ces règles ! Il nous a fallu plus de deux jours pour les adopter ! Et cela donne une étrange impression, comme si pour les Américains le processus de discussion était plus important que le contenu de la discussion !

Entrée en lice des évêques, mise en place d’une commission, convocation dans deux ans d’une CG exceptionnelle

Confrontée à des positions contradictoires sur le sujet de la sexualité humaine, la Conférence Générale a demandé au Conseil des évêques de réfléchir à des pistes d’avenir. Le Conseil des évêques s’apprête à nommer une commission représentative de toutes les cultures et sensibilités inhérentes à l’Eglise Méthodiste Unie. Sous sa supervision, cette commission réfléchira aux changements à apporter aux structures globales de l’Église et au Règlement de l’Église pour préserver l’unité de l’Église. Ses propositions seront soumises au vote de la Conférence Générale exceptionnelle convoquée, Dieu voulant, en 2018. D’ici là, d’une seule voix, les évêques invitent tous les acteurs de l'Église à la prière : « En tant que Conseil des évêques, nous allons conduire l'Église dans toutes les parties du monde à des temps de culte, d'étude, de discernement, de confession et de prière pour que Dieu nous guide».

Ce qui m’a semblé aussi parfois difficile à comprendre, c’était de savoir quel était l’enjeu de certaines discussions et décisions à prendre, c’est-à-dire qu’est-ce qu’il y a derrière la question ou la demande, où veut en venir celui ou ceux qui ont posé la question. Toutes les séances étaient traduites simultanément en plusieurs langues comme le portugais, l’espagnol, le russe, le tagalog, le kiswahili ainsi que le français. Les délégués pouvaient prendre la parole dans l’une de ces langues.

Tensions

La tension a été forte à certains moments et tout particulièrement lorsque la Conférence générale a abordé les questions concernant la sexualité humaine. Alors qu’on sentait que l’Église évangélique méthodiste était au bord d’une division, une motion a été proposée. J’ai personnellement vécu ce temps-là comme un moment fort : un délégué a demandé la parole et il s’est adressé aux évêques leur disant : « Vous êtes nos évêques, s’il vous plaît, guidez-nous, dirigez l’Église pour qu’elle ne se divise pas ! » Les 80 évêques présents se sont alors retirés pour discuter et travailler à une proposition.

Une séance en français avec notre évêque

Un autre temps fort a été lorsque notre évêque, Patrick Streiff, a présidé une des séances… dans la langue de Molière, c’est-à-dire en français ! Ce qui était possible vu que le français est une des langues officielles de la CG. Mais cela a obligé les Américains et les non-francophones à devoir avoir un casque pour la traduction. Intéressante comme expérience, surtout pour les Américains qui ont quelque peu touché du doigt la difficulté de participer et de prendre des décisions dans une autre langue que leur langue maternelle ! Plusieurs Américains se sont approchés de moi pour dire que c’était très bien d’avoir fait cela.

Rencontres et partages

L’expérience vécue a été riche en émotions et en découvertes, mais aussi en rencontres et partages avec des chrétiens Méthodistes des 5 continents !

Notre Église a une dimension globale dans laquelle on pourrait presque s’y perdre !

Mais en même temps, et c’est sans doute une de ses forces, elle a une diversité réelle qui lui permet de vivre la mission du Christ dans ce monde par les femmes et les hommes qui la composent.

Notre Église n’est pas un événement auquel on assiste, mais une communauté à laquelle on appartient !

Et je suis heureux de vivre ma foi dans une telle Église ! »

Propos recueillis par Jean-Philippe Waechter, correspondant pour la Région Europe/ Afrique du Nord.

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